Pourquoi n’écris tu pas, en ce moment ?
Quelle question étrange. Pour les mêmes raisons que j’écris, sans doute, parfois. Pour le plaisir. Plaisir d’écrire, plaisir de se taire. Envie, désir ou, comme ce soir pulsion, forte, comme une obligation. Triste obligation. Jean Meyer est mort, hier, vers 15 heures.
Son épouse m’a appelé, en fin de journée. A sa voix, immédiatement, j’ai compris. Elle n’était pas triste. Jean n’était pas triste, lui non plus, lui qui était malade depuis si longtemps et pourtant toujours si calme, conscient, pas résigné ni mû par un espoir illogique. Il parlait de sa maladie, un cancer des os, très calmement. Racontait son combat. Non, combat n’est pas le mot, c’était le récit d’une vie «avec». Un optimisme modéré. Humain. Si humain.
- Bref, il y a deux semaines, son sternum s’est effondré. Comme ça, d’un coup, trop fragile.
- Ca arrive, quand on a un cancer des os. Et c’est alors qu’on sait que le bout du chemin est là.
- Que fait-on dans ce cas quand on est Jean Meyer ?
On demande à son épouse de lui apporter une bouteille de Sélection de Grains Nobles, celle qu’on a le mieux réussi, celle d’une vie. 82, je crois. Pardon si j’ai mangé le millésime, mais quand vous m’avez raconté ça, hier, Madame, j’étais en train de pleurer et de rire en même temps et du coup, j’ai peut être mangé le millésime…